SALIM BERRADA

 

LES DEFIS DU MAROC

1)    L’enseignement et l'analphabétisme :


Les âmes pudiques ou charitables disent que le Maroc compte plus de 50 % d'analphabètes, loin derrière la Tunisie ou l'Algérie. Les chiffres réels doivent nous faire rougir de honte et bondir de dépit. Aucun pays aujourd'hui ne peut prétendre au progrès avec une grande majorité de sa population en marge du savoir et privée de connaissance. Les nations fortes sont celles qui misent sur le potentiel humain en matière d'enseignement et d'apprentissage.
 

L'arabisation, dans le sens idéologique du terme, a donné les résultats que nous connaissons : c'est un échec sur le triple plan linguistique, social et politique. Est-il encore possible ou nécessaire d'avoir ce rapport chauvin à la langue ? D'autant plus que nos nationalistes d'hier et d'aujourd'hui, défenseurs de l'arabité et de l'arabisation, ont toujours placé leurs enfants dans les missions françaises et les écoles américaines. À partir des années soixante-dix, on a fabriqué un enseignement à deux vitesses et vidé l'enseignement public de sa substance, faisant de l'école publique un dépotoir pour les déshérités et les laissés-pour-compte. De plus, l'enseignement aujourd'hui exige d'énormes moyens. Ainsi, seuls ceux qui ont les capacités matérielles peuvent supporter des frais de scolarité toujours à la hausse par rapport à un pouvoir d'achat chaque jour à la baisse.

Les changements opérés, ces dernières années, dans la formation des éducateurs et l'augmentation abusive de leurs horaires de travail, l'orientation des élèves, la surcharge des programmes et des effectifs dans les classes, mais aussi la nomination d'incompétents, de corrompus et d'opportunistes à la tête des établissements scolaires, tout cela a fait que l'enseignement, à tous les niveaux, a connu une dévaluation qui place le pays aux derniers rangs des nations émancipées ou en voie de développement.


2) L’économie et les finances :

L’économie marocaine devrait  réaliser un taux de croissance de 6,2% en 2008 et de 5,3% en 2009, malgré le ralentissement de la croissance mondiale,

L’économie nationale du Maroc a profité en 2008 de la  consolidation des activités du bâtiment et travaux publics (BTP),  des industries de transformation, des mines, du tourisme, des télécommunications et des autres services, ainsi que de  l’amélioration de la production céréalière durant la campagne 2007- 2008, a précisé le HCP.

Mais, le Maroc connaît toujours un profond clivage social. Classés certes comme un pays à revenu moyens, ses indicateurs de pauvreté se rapprochent pourtant davantage de ceux des pays à faibles revenus.

Tout le monde le dit : les caisses de l'État sont vides. Mais personne ne dit ni comment, ni pourquoi, ni à cause de qui on en est arrivé là, alors même que l'argent marocain dort dans certaines banques étrangères. Rares sont les riches de ce pays qui font encore confiance à la relance économique nationale.

La fuite des capitaux est le résultat d'une politique d'insécurité, elle-même fruit des lourdeurs et des complications d'une administration qui fonctionne hors du temps et hors de toute logique. Les investisseurs étrangers préfèrent investir en Tunisie, par exemple, où les démarches administratives sont simplifiées au maximum et où la loi et le droit sont plus ou moins respectés. Quand ils viennent chez nous, leurs dossiers transitent par des dizaines d'administrations et de directions, des centaines de bureaux pour acquérir des dizaines et des dizaines d'autorisations.

Toutes ces démarches sont encore compliquées par une administration corrompue et inefficace. Nous savons, par ailleurs, que les grosses fortunes ne payent pas d'impôts et que les responsables, à tous les niveaux, ont tendance à faire l'amalgame entre leurs biens personnels et ceux de l'État. Les pilleurs assermentés bénéficient de la protection d'un système ayant fait de l'abus un moyen de domination et de contrôle des hommes. Ils ne se sont pas gênés pour ruiner le pays en faisant fuir les capitaux à l'étranger.
 

3) La misère et le chômage :

Ce sont là deux aspects d'une fracture sociale très profonde, résultat de plusieurs années de négligence sociopolitique. Le Maroc officiel ne reconnaissait ni sa misère ni son chômage. Le revenu du citoyen marocain est le plus bas au Maghreb. Près de quatre millions de Marocains vivent dans une pauvreté absolue et près de la moitié, dans une pauvreté relative. Un actif sur trois n'a pas de travail.

Les diplômés " soutiennent les murs " ou entament des grèves de la faim en plantant leurs tentes de fortune devant le Parlement ou les ministères. Les couvertures sociales et médicales font défaut. Certaines populations rurales manquent de tout. Sans eau, sans électricité, sans écoles, sans dispensaires, sans routes carrossables, elles vivent dans un état à demi animal, complètement abandonnées à leur sort.

Les slogans politiques ne changent rien à leur situation, puisqu'ils ne sont ni le fruit d'un programme étudié, ni le résultat d'un projet de société clair. Et sans entrer dans les détails, il est une vérité quotidienne qu'il importe de rappeler : les rues et les places de nos villes sont encombrées de mendiants, de chômeurs, de fous, d'enfants abandonnés vendeurs de sachets en plastique et autres produits au détail... Tout cela contribue à donner du Maroc l'image d'un pays pauvre, hors de son temps. Et, face à cette misère répugnante, se sont construites des fortunes insultantes. Parfois, un simple mur, une route, sépare le monde de la misère de l'univers de l'opulence.

4) La santé :

Le gouvernement de SM le Roi a placé la Santé à la tête de ses priorités 

Le budget du ministère de la Santé connaît une augmentation de 10% par an depuis 2003, indique le ministère dans un dossier publié sous le titre «Les questions de la santé au Parlement au cours de la septième législature 2002-2007».

Parmi les actions évidentes : l'ouverture de plus de 1000 postes budgétaires par an, la mise en œuvre du Code de couverture médicale de base, l'accélération du rythme des réformes des hôpitaux, la mise en place d'une politique pharmaceutique efficiente, la réorganisation des métiers du secteur de la santé, la promotion de la gouvernance, la poursuite de l'action de rapprochement des services de santé de base des citoyens et l'amélioration de leur qualité, outre la rationalisation de la gestion des ressources».

Le discours sur la santé au Maroc a une double expression. D’un côté, la lecture des indicateurs sanitaires montre une progression notable en matière d'extension de la couverture sanitaire et un recul des mortalités infantile et juvénile; et de l’autre persiste une disparité dans l'état de santé entre milieux et régions et beaucoup d’insuffisance en matière de qualité de soins.

5) La justice et la corruption :

Aucun régime ne peut prétendre à la stabilité si sa justice est malade. Or force est de constater que les rouages de celle du Maroc sont aujourd'hui gangrenés par la corruption. Les valeurs de justice et de droit se trouvent dans une totale décomposition : la pratique quotidienne de la corruption a fait de cet " épiphénomène " un mode de gestion des affaires publiques, une conduite et un phénomène social reconnu et admis. On peut polémiquer sur les salaires des juges, des douaniers, des gendarmes, des policiers, des fonctionnaires des impôts et des administrations publiques, mais rien ne peut justifier un acte de corruption qui bafoue la loi et la morale, abaisse celui qui donne comme celui qui reçoit. Comment ne pas s'indigner quand les jugements rendus sont en fonction du prix payé et métamorphosent souvent les criminels en victimes - et vice versa ! La justice contribue, de manière sensible, à l'aggravation de la fracture sociale, car elle place la loi aux marges de l'illégalité, assassinant tout espoir, toute confiance chez le citoyen.

6) Les droits de l'homme et les défis de la modernité :

Sans revenir sur le passé, nous devons refuser que le Maroc de demain soit le Maroc des tortionnaires et des anciens policiers. Plus jamais donc de disparitions, d'enlèvements, d'emprisonnements abusifs pour délits d'opinion... Plus jamais de Tazmamart, de Derb Moulay Chrif, de Dar Moqri, de Kal'at Magouna et autres centres secrets de détention. Plus jamais de répression quand les revendications sont justes ou légitimes.L'entrée de notre pays dans le nouvel ordre mondial ne peut se faire que par le respect de l'individu et de ses droits. Le respect des lois par tous, alors même que ces mêmes lois sont régulièrement bafouées par les dignitaires et les responsables. Les droits de l'homme comportent également la sécurité pour tous, l'enseignement pour tous, le travail pour tous, les mêmes droits pour tous, les mêmes chances pour tous, les mêmes devoirs pour tous... Dans son ignorance des lois et des droits, dans sa misère extravagante, dans son analphabétisme, dans sa lutte quotidienne pour survivre, le peuple a été l'objet d'un mépris généralisé tout au long de ces dernières décennies. On a dit et répété que ce peuple ne méritait que la bastonnade. Si bien que le Marocain moyen a fini par intérioriser cette doctrine rétrograde. Ce peuple aimerait revoir ses officiers supérieurs relever la tête au lieu de la garder enfouie dans les poubelles de l'argent sale. Mais comment peuvent-ils retrouver la position verticale alors que leurs échines ont pris le pli des affaires, des fermes, des carrières de sable, des entreprises, des lotissements, des usines, des privilèges ? La dignité a son prix. La fortune facile ne coûte à certains qu'un peu d'hypocrisie courtisane, des baisemains obséquieux, des courbettes et une fidélité servile au Makhzen.

7) Le respect des institutions :

Quand on regarde de près, et même de loin, la Chambre des représentants et celle des conseillers on voit une autre page noire de notre histoire, parce que la majorité des représentants des deux Chambres ont soit bénéficié de l'appui des autorités, soit " acheté " leur siège. Quelle crédibilité ont ces institutions qui comptent en leur sein des repris de justice, des trafiquants en tout genre, des hommes corrompus et corrupteurs, d'anciens tortionnaires ? C'est à la fois une insulte à l'intelligence du Maroc et une atteinte à sa crédibilité politique.
Là encore, un travail de fond reste à faire. La compassion du peuple lors des obsèques du roi a démontré que la sécurité du pays et la stabilité du système ne sont pas mis en cause. Les sbires devront faire le deuil du clientélisme et du copinage sordides pour que chacun occupe la place qu'il mérite et qui lui revient sur l'échiquier national.
 

8) La Politique et système démocratique

 Le processus démocratique au Maroc est un élément indispensable et un passage obligé à l'établissement graduel des principes de l'Etat de droit. La mise en place d'une démocratie n'est jamais une tache simple, elle est complexe et se heurte toujours à des obstacles de divers natures: facteurs sociaux, économiques, politiques, spécificités culturelles... etc.

Comment voir à court terme et puis à long terme l'avenir politique du Maroc, et quel est selon vous le schéma idéal qui mène à une démocratie à la fois durable et bénéfique sur le plan politique mais aussi surtout sur le plan économique ?

 Il y aura sûrement un avenir politique au Maroc comme partout, mais lequel ?

Quelques constatations en bref :

- Le mode de scrutin est différent selon les communes plus ou moins petites. La complexité par manque d'organisation de partis politiques et de moyens d'évaluation du scrutin à l'échelon national.

- La présence de 26 partis politiques (le commun des mortels ne s'y trouve point : alors avec un illettrisme intolérant vous devinez la difficulté).

- Une presse TV, radio et écrite partisane (de gauche comme de droite).

- Une grande abstention.

- Un contexte international difficile et une situation économique pour les jeunes désespérante.

 Les marocains en général ont tjrs du mal a s'exprimer, a dire se qu'ils pensent vraiment et qu'ils s'autocensurent des qu'on nomme la chose politique.
Le cocktail est ingérable ! Et pourtant les élections ont eu lieu démocratiquement à noter que plusieurs requêtes sont déposées dans les tribunaux, et c'est normal.

Voilà donc un premier constat positif.

 Le vrai problème du Maroc est l'absence d'une société civile citoyenne (analphabétisme)

Le jeune roi est animé de bonne volonté pour construire une société citoyenne responsable et instruite. Une fois cet objectif atteint, le besoin de la démocratie va apparaître ou va se faire ressentir.
Aujourd'hui, la priorité des marocains est d'abord le quotidien.

                                                                                                                        Salim BERRADA

 

 

 

 

 

 

 

   
 

ONG d'action humanitaire et d'aide au développement,
Dotée du statut consultatif général par le Conseil Economique et Social des Nations-Unies
© 2002 - 2006 All Rights Reserved.
 
Télécharger ci-dessous flash player pour une meilleure visualisation